21.3.07

Morveuse



Agressée par un vioque dans le bus qui me voyait lire du Celine.
Qu'il puait, le vieux, mais c'est l'âge, quand il a migré en face c'etait pas du luxe - voila t'il pas qu'en plein Babylone il s'échauffe, il se tortille, il marmonne d'abord et puis il jicle, une honte! une honte! mais on leur apprend rien aux jeunes aujour'hui? Que de lire du Celine! Jamais! Que de son temps, il aurait jamais osé, jamais lire du Celine.
Et moi je le regarde, le vieux, par dessus le bouquin, Guichard avait mentionné ça, j'aurais pas pensé, comme ça, en pleine rue du Bac, un vieux défrisé, qui s'échauffe tant je le fixe sans parler que j'en ai les joues noires, Vous devriez avoir honte, mademoiselle! Honte, vous devriez avoir honte de lire Celine! C'est un antisémite!
Et que je lui demande a voix blanche si c'est une raison pour ne pas ouvrir trois pages de ses Folios, s'il veut qu'on arrete de lire du Mauras aussi, le vieux, ou du Sartre, il était louche aussi, et il persiste, le vieux, il persiste, il eructe que c'est des nazis comme lui qu'ont poussé les gens dans les camps de la mort, il m'insulte, le vieux, honte, vous devriez avoir, honte, et la j'en ai marre je lui retorque que c'est pas parcequ'un auteur avait des croyances de merde qu'il faut arreter de lire son oeuvre, qu'il devrait avoir honte, lui, honte, oui, qu'il devrait avoir honte de juger sans avoir lu.
Et il se lèvre, le vieux, il eructe toujours, honte, mademoiselle, honte, il se lève et il se barre près de la porte. Qu'il s'émotionne je comprends, il en a probablement bavé lui meme des antisemites, c'est pas tant de haïr la personne qui me bouffe les nerfs, c'est cette intolerance, cette ignorance crasse, d'insulter, s'echauffer, sans avoir lu, sans rien, sans penser, qu'il reagissait seulement, le vieux, sa sciatique lui fendait les reins.

Et lorsqu'il se leve le vieux c'est au tour de la bombonne d'a coté de s'y mettre, je l'avais repérée des qu'elle a mis les pieds dans le bus, vers Concorde, elle, c'est une Saint-Germain, c'est l'accent qui trahit, "mâchin", elle voulait globaliser , aussi, globaliser c'est chic, mais dans les limites de l'humain mon cher, globaliser dans les limites de l'humain. Le brushing net qu'elle a , la bombonne, relookée mais sans lifting parceque ca fait pas naturel, un beau brun de velours, et sa langue s'agite condescendante entre ses dents elle me dit mademoiselle bien sur comprenez il avait en partie raison ce monsieur celine vous savez et moi oui, madame, je sais, je suis une bonne élève, je prepare et je note et je suis au courant de ses convictions et elle me dit jamais je n'ai pu lire un de ces ouvrages et je lui dis peut etre elle devrait en ouvrir un avant de juger? mademoiselle ecoutez moi, petit rirer, les dents fines, moi je suis bac plus, oh, 37, petit rire, alors vous savez, j'ai beaucoup lu. Le vieux marmottait toujours lorsque je l'ai depassé devant le luco.

J'ai beaucoup lu, mademoiselle, vous savez, non, je n'ai pas lu ses oeuvres, mais qu'importe, n'est ce pas, j'ai beaucoup lu, oui, donc je les connais, donc je peux en juger, mademoiselle, voyons, puisqu'a part ce dont je juge a present, voyez vous, j'ai beaucoup lu.
Il etait fou, madame, il etait fou, tous le savaient, sauf vous, peut etre, madame, ce devait etre une remarque que le nouvel observateur n'a pas cru bon de noter, il etait fou, il etait meprisable, il a ecrit des pamphlets proprement atroces, il etait condamnable, et tous ceux de son espèce, il était taré, madame, mais il était taré dans son ecriture, il mit un coup dans les miches de la litterature crevante, madame, monsieur, il existait, il vivait, il crachait et n'aimait que le ciel et les chiens, il écrivait, surtout, madame.
Et de quoi vous avez peur, en fait? de vous en impregnez, de cette ecriture débile et poisseuse, de vous voir contaminer par une ideologie vicieuse, de vous voir infiltrer, pénétrer, usée par les mots bouffis, de quoi avez vous peur, de penser par vous meme, et cet esprit critique que vous balancez comme un chat mort par la queue pour faire fuir les passants et attirer les mouches il est tout aussi crevé, madame, pour que vous n'ayez pas le courage de voir par vous meme et juger?

Ils s'en foutent, les heritiers, d'un eventuel boycott de ses bouquins. Ils sont riches a péter puisque la vermine sans nom, sans honte, devore aux dents longues ses mots avant de crier au bain de sang, pervers. Et non, monsieur, je n'ai pas honte.

4 comments:

lil'liz said...

et le plus drôle, c'est que la bombonne et le vioque, ils sont dignes de Céline, assez crétins pour prendre place dans un de ces romans...

Emilio said...

Yop. Ish je ne tavais pas si enragée ^.^

lou said...

that's my reblerd, that is.

Anonymous said...

Ouaou!Ca c'est de l'altercation citadine ou je m'y connais pas!
mdr